Transition du pouvoir au Sénégal: les perspectives des nouveaux espoirs sont-elles réalistes?

Abstract

L'élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence du Sénégal le 24 mars 2024, après un processus électoral mouvementé, reflète la résilience des institutions démocratiques du Sénégal. C’est l’occasion de renforcer la gouvernance transparente et de lutter contre les inégalités. C'était la première fois depuis l'indépendance du Sénégal de la France en 1960 qu'un candidat de l'opposition gagnait déjà au premier tour des élections présidentielles. Les médias occidentaux ont tenté de montrer que Faye, présenté comme un "panafricaniste de gauche", souhaitait promouvoir une culture africaine authentique pour rompre avec l'influence occidentale postcoloniale. Cependant, l'orientation politique du duo Faye-Sonko correspond à celle des "Patriotes du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité" (Pastef), une organisation fondée par Sonko en 2014. Bien que leurs formulations paraissent radicales, leur principal objectif est de renforcer l'indépendance nationale du pays. Faye, diplômé de la célèbre école d'élite ENA, aime se considérer comme l'héritier de deux penseurs sénégalais a priori diamétralement opposés: Léopold Sédar Senghor et Cheikh Anta Diop. Ils avaient un objectif commun: rendre le Sénégal et les autres pays africains indépendants et autonomes. Cette orientation nationaliste rapprochera également le nouveau gouvernement de Dakar des juntes militaires voisines qui gouvernent la Guinée, le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Paris, qui a toujours eu à cœur de préserver sa présence postcoloniale, notamment ses bases militaires, le franc CFA et la langue française, est désormais contraint de suivre les événements. Faye et Songo ont promis de renégocier les termes de la monnaie CFA, soutenue par la France, ainsi que les contrats pétroliers et gaziers avec des sociétés étrangères. Cependant, le gouvernement de Dakar devra bientôt s'adapter à la dure réalité des inégalités économiques. Il doit tenir ses promesses électorales de lutter contre la corruption, donner la priorité aux intérêts économiques nationaux et créer des emplois pour la population du pays, notamment pour les jeunes chômeurs. Environ 60% des chômeurs ont moins de 25 ans. L’écart entre le potentiel économique et les niveaux de pauvreté alimente la frustration. Il existe un sentiment d’exclusion parmi les jeunes, ce qui les rend vulnérables au recrutement par des groupes extrémistes. Le nouveau président entend également renégocier les accords de pêche et développer la production locale tant alimentaire qu'industrielle afin d'assurer la sécurité alimentaire tout en réduisant les importations coûteuses. Cependant, les subventions probables aux biens essentiels pourraient conduire à des conflits avec le FMI sur la mise en œuvre du programme. En ce qui concerne la création d'une monnaie souveraine, il est logique de mettre en œuvre les plans existants visant à remplacer le franc CFA au sein de la CEDEAO au profit de la monnaie indépendante, "l' éco".

The election of Bassirou Diomaye Faye as President of Senegal on March 24, 2024, after a turbulent electoral process, reflects the resilience of Senegal's democratic institutions. It provides an opportunity to strengthen transparent governance and combat inequality. It was the first time since Senegal's independence from France in 1960 that an opposition candidate won already in the first round of presidential elections. Western media tried to show that Faye, who was portrayed as a "left-wing pan-Africanist," wanted to promote authentic African culture to break with post-colonial Western influence. However, the political orientation of the Faye-Sonko duo corresponds to that of the "Patriots of Senegal for Work, Ethics and Fraternity" (Pastef), an organization founded by Sonko in 2014. Although their formulations sound radical, their main goal is to strengthen the country's national independence. Faye, a graduate of the renowned elite school ENA, likes to see himself as the heir to two Senegalese thinkers who are, a priori, diametrically opposed: Léopold Sédar Senghor and Cheikh Anta Diop. They had a common goal: to make Senegal and the other African countries independent and self-reliant. This nationalist orientation will also bring the new government in Dakar closer to the neighbouring military juntas that rule Guinea, Mali, Burkina Faso and Niger. Paris, which has always been keen to preserve its post-colonial presence, including military bases, the CFA franc and the French language, is now forced to follow events. Faye and Songo have promised to renegotiate the terms of the French-backed CFA currency as well as oil and gas contracts with foreign companies. However, the government in Dakar will soon have to adapt to the harsh reality of economic inequality. It must live up to its election promises to fight corruption, put national economic interests first and create jobs for the country's population, notably for the young unemployed. Around 60% of unemployed are under 25 years old. The gap between economic potential and poverty levels is fuelling frustration. There is a sense of exclusion among youth, making them vulnerable to recruitment by extremist groups. The new president also intends to renegotiate fisheries agreements and develop local production for both food and industry to ensure food security while reducing costly imports. However, likely subsidies for essential goods could lead to conflicts with the IMF over program implementation. As far as the creation of a sovereign currency is concerned, it makes sense to implement existing plans to replace the CFA franc within ECOWAS in favour of the independent currency, the 'eco'